Le Désert, Lieu de nos Conversions

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Une voix proclame : "Dans le désert, dégagez un chemin pour le Seigneur, nivelez dans la steppe une chaussée pour notre Dieu, que tout vallon soit relevé, que toute montagne et toute colline soient abaissées !" (Isaïe 40, 3-4).

Seigneur, c'est dans le désert que nous nous préparons à T'accueillir en profondeur, dans le cœur de notre être, là où Tu nous connais tels que nous sommes. Désert, lieu de ma vie. Dans nos esprits, ce n'est que rocaille et sable inhabitables. En réalité, c'est la diversité : étendues muettes de cailloux, dunes où il est facile de se perdre, mais aussi oasis verte et bleue, lac blanc de sel avec des oiseaux qui y sont familiers.

Comme le quotidien de nos journées. La même chose recommencée. Comment pourrait-il en sortir de la joie ? N'est-ce pas un sol caillouteux, apparemment stérile ? Dunes de travaux, d'occupations multiples. On ne sait où donner de la tête. De quoi s'y perdre. Comment revenir au cœur de notre immensité intérieure ?

 

Au détour de nos pistes journalières, voici pourtant, comme un coup de cœur, une aube donnée, l'oasis de paix, de fraîcheur, de simplicité des amis retrouvés. Ils Te connaissent. Ils T'attendent. Ensemble, vous avez le temps.

Ton Seigneur est ton Ami, ton refuge, ton oasis. Il ne change pas, Il est là, au détour de la piste.

Surprise de ce lac blanc, sel de ta vie, lumière sur ta route. Toute la vitalité de l'Esprit quand tu t'es humblement mis dans le courant de Son Amour. Sel, sans lequel la vie n'est pas possible. Sel que tu as à semer dans ce monde où tout risque de devenir fade, sans goût, d'une triste uniformité de désespoir, de crainte, d'attentes désespérées, d'attentats réussis, de routes ratées. Seras-tu le sel de la terre ?

Dégagez un chemin pour le Seigneur !

Rocailles de nom journées, aridités de nos nuits, uniformité de nos petits pas, oasis de rencontres et de partage, refuge de vacances, sel de notre terre. Lieux de vie, ouvrez vos portes ! Hommes et femmes, dégagez un chemin, le Seigneur passe. II est venu parmi nous. Le Verbe S'est fait Chair. La Parole féconde la terre…

La steppe : une grande étendue sèche, cailloux, herbes rares et maigres. On y est seul, pas une habitation à des kilomètres à la ronde, communication impossible. Mais c'est aussi la merveille d'un tapis de fleurs qui illumine la rocaille ou d'un insecte identique à l'herbe sèche. Et venu d'on ne sait où, mais sûr de lui car il marche à l'étoile et au soleil, ce nomade avec sa caravane. Alors, des liens se nouent.

Nos soirs de solitude, d'incompréhension, quand les liens s'effritent, que notre conjoint nous plaque ou qu'on ne peut plus se parler, cela ressemble à cette étendue inhospitalière. Amères déceptions, paroles agressives qui isolent. Nous rentrons tristement en nous-mêmes, devenons durs et secs. Nos cœurs sont plats, tristes, amers. Iles que nous sommes, inhabitées et inhabitables, quand nous ne pouvons communiquer parce que mal recentrés sur nous-mêmes, mal dans notre peau. Notre corps se déchire et fait mal. Il fait froid, sec…

Inconnu de ces matins où il faut recommencer, même les pas faits la veille. Ce chômage lancinant, ces lettres sans réponses. Il n'y a plus aucune espérance…

Voici qu'un matin, ouvrant ta fenêtre, tu es illuminé par la nouveauté du soleil levant qui inonde la terre. Il est là. Il n'a pas changé. Toujours le même, pourtant si différent, puisqu'en un instant il t'apporte cette flamme de bonheur que tu n'attendais plus. Une main serre la tienne, un ami t'écoute ou te donne un renseignement, cet autre que tu peux aider, un projet auquel tu t'accroches, ton enfant qui sourit. La steppe refleurit, humblement, quotidiennement.

Tu te mets alors à reconnaître les traces de l'Esprit qui souffle où Il veut. Tu hasardes un pas avec ces femmes et ces hommes pour qui solidarité n'est pas seulement un mot. Ils ne prononcent pas le nom de Dieu, mais leurs cœurs et leurs mains sont porteurs de Bonne Nouvelle. Seras-tu compagnon de ces routes-là ? Sauras-tu te brancher sur les traces de ceux qui n'ont pas peur d'aider l'utopie à devenir réalité ?

Nivelez une chaussée pour notre Dieu !

Toi pour qui Dieu est Espérance, pour qui l'Esprit est Vie, sois pèlerin dans les steppes inhumaines de l'anonymat, de la solitude, de la consommation. Sois de ceux qui nivellent les routes des hommes pour y faire germer le ferment d'Amour. L'Amour ne passera jamais. Seigneur, dans nos imaginations, le désert c'est plat. On ne sait pas que des montagnes s'y dressent, que des précipices donnent le vertige. Montagnes déroutantes dans leurs formes lunaires, ravins inattendus, vallées immenses où l'œil ne sait s'accrocher.

Pourtant, là, dans l'immensité et la difficile adaptation, remonte du cœur de l'homme une joie profonde, un cœur de frère.

Solitude, difficile réalité de notre condition humaine. Montagnes d'indifférence, d'incompréhension, ravins qui nous séparent, tant chaque être est unique, difficile à cerner. Montagnes des petites difficultés, de nos impressions dont nous faisons des certitudes. Idées fausses, jugements, classements qui nous empêchent d'être réalistes, nous paralysent, nous bloquent dans la peur, nous empêchent d'avancer. Ravins de nos blessures : cœurs blessés de l'enfance, effondrements, menaces, peurs. Nos portes se ferment, nos chemins sont sans issue.

Comme l'or au creuset, dans les montagnes et les vallées de nos vies, un éclair de lucidité, une parole bienveillante, un sursaut de force et nous repartons en quête de notre terre d'origine, de notre patrie première, celle du premier matin de la Création, où tout était Devenir.

Cette Genèse chante au fond de notre cœur. Celui qui se met en route vers son devenir intérieur retrouve force et joie. Il y rencontre Celui qui est " Vivant au milieu de nous ". Il est notre compagnon quand nous nous mettons à aplanir les montagnes et combler les ravins de nos vies.

Que tout vallon soit relevé, toute colline abaissée !

Montagnes de doute, de peur, de domination. Ravins d'indifférence, de solitude. Montagnes au creux desquelles une Source Infinie attend de naître.

Désert, tu ressembles à nos vies. Tu nous parles. Notre Dieu y est Présent. C'est le lieu où Il Se Révèle et nous comble de Sa Joie et de Sa Paix. Non "comme le monde les donne", mais que personne ne pourra nous ravir.

Seigneur, conduis-moi au désert. Parle. Ton serviteur écoute !